Bonjour,
Je m’appelle Marine et je suis la troisième d’une famille de huit enfants. J’ai grandi dans la vallée du Diois, dans la Drôme. Après avoir connu l’école publique et l’école privée sous contrat (de la maternelle au CE1) mes parents ont décidé de se lancer dans la grande aventure qu’est l’école à la maison. Pour la petite anecdote, lorsque ma maman était petite et qu’on lui demandait ce qu’elle voulait faire plus tard, elle répondait toujours : « Maitresse et Maman » … elle ne croyait pas si bien dire ! Nous avons commencé dans une chambre de notre maison située en lotissement, puis avec Papa mes frères ont construit une véritable salle de classe dans le jardin, apprenant ainsi les rudiments de la maçonnerie, plomberie, électricité, carrelage, peinture…
Maman dans un premier temps préparait tous nos cours elle-même, elle avait à l’époque cinq niveaux différents à gérer, en même temps qu’une nouvelle grossesse… Elle ne peut expliquer comment elle a géré tout cela, mais comme elle aime à le dire :
« A chaque situation Dieu donne une grâce particulière ! » Et c’est tellement vrai !
J’ai ce souvenir de ma petite sœur dans son « baby bouncer » au milieu de la classe toute heureuse d’être avec nous qui travaillions chacun à notre petit bureau, et Maman qui passait d’un bureau à l’autre pour suive l’avancement de chacun de ses petits élèves. Papa s’investissait beaucoup en rentrant du travail, que ce soit en cuisine ou pour les maths ou l’apprentissage d’une langue étrangère.
Année après année nous avons été inspectés, soit à la maison soit il fallait se déplacer.
Certains amis (dont des professeurs) ont eu à cœur pendant une période donnée de venir nous donner quelques cours bénévolement, en maths, géographie, anglais. Un jour, pendant que nous étions en plein cours des gendarmes sont venus à la maison à l’improviste, mes parents ont été convoqués au commissariat et interrogés, séparément… Pour finir, le rapport des gendarmes a été positif, ils nous ont trouvés en train d’étudier, ils ont remarqué la photocopieuse, le matériel scolaire, le sérieux de notre instruction etc.
Pour les personnes qui se posent des questions relatives à la « sociabilité » (et oui c’est un mot qui revient sans cesse dès qu’on parle d’instruction en famille !), je dirai que c’est une sociabilité intergénérationnelle beaucoup plus riche et diversifiée que le fait d’être toute l’année avec une classe d’enfants du même âge uniquement. Nous avions toujours du monde à la maison, et étant en lotissement nous avions beaucoup de contacts et de jeux à partager avec nos voisins. Puis nous faisions du sport et des sorties également, avec notre J5 aménagé par papa… Que de souvenirs !
Et le « cocon », parlons-en. De nos jours cette image est souvent péjorative, et pourtant, la chenille avant d’être ce magnifique papillon, ne passe-t-elle pas par ce temps nécessaire dans le cocon ? Celui-ci ne se réduit pas à une fonction de protection, même si l’idée de protection est bonne également, mais il a un rôle de préparation, de formation en vue de l’envol du papillon vers sa destinée… Alors, « protéger de » ou « former pour », voilà toute la différence !
A partir de mon année de cinquième cela devenait difficile pour Maman d’assurer tous ces niveaux, j’ai suivi les cours du CNED, puis une année après l’autre, je suis arrivée au Baccalauréat, auquel je me suis présentée en candidate libre. Beaucoup de personnes non acquises à la cause nous « attendaient au tournant » (notre choix était mal perçu et incompris par beaucoup de membres de la famille, et même dans le village cela faisait « jaser »), mais c’est Dieu qui justifie, et il nous a bénis et accordé la réussite. Mes frères ont suivi des filières techniques et ont intégré un lycée technique au cours de leur scolarité, transition qui s’est très bien passée. Mes parents ont eu des compliments notamment sur le comportement et le respect qui se dégageait de l’attitude de mes frères. L’un deux s’est retrouvé rapidement délégué des élèves.
En ce qui me concerne j’ai fait des études de Droit (DEUG puis Licence) toujours par correspondance, en partenariat avec l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. J’aimais la liberté que me donnaient ces cours par correspondance dans la gestion de mon emploi du temps. Cela me permettait de faire les vendanges, d’accompagner des classes de neige, etc. Et en contrepartie il me fallait faire preuve de beaucoup de discipline, de sérieux et d’autonomie le reste du temps pour travailler mes cours. J’allais régulièrement à Paris pour passer mes examens.
J’ai travaillé comme clerc de notaire, puis préparé le concours de rédacteur territorial que j’ai obtenu… mais au final Dieu avait d’autres projets pour moi.
Il a déposé sur notre cœur avec mon mari la création d’ une école privée hors contrat dans laquelle nous sommes très investis. Nous avons créé une association il y a 6 ans avec ses deux frères et leurs épouses. Et l’école a ouvert cette année, quelle allégresse, avec douze petits élèves, Entre la création de l’association et l’ouverture de l’école, quelle longue gestation, il s’est passé tellement de choses (notamment une période d’instruction en famille !) Que de témoignages nous pourrions vous donner… Mais c’est une autre histoire !
Pour en revenir à mon expérience de l’école à la maison en tant qu’enfant, je dirai que malgré les épreuves et les difficultés rencontrées, cela va bien au-delà de la formation académique. C’est une extraordinaire formation au niveau du caractère, des valeurs, du sens des responsabilités et du service, de l’autonomie, des liens familiaux renforcés…
Et les fruits?
Aujourd’hui mes frères et sœurs et moi-même sommes huit jeunes adultes équilibrés, épanouis aussi bien dans leur vie sociale (et oui vous avez bien lu!) que familiale et professionnelle (photographie/vidéo, électricité, informatique/fibre optique, laboratoire de métrologie, enseignement, vente, sans oublier maman au foyer), leurs responsabilités associatives variées (éducateur, présidence club de foot, conseils d’administrations, etc.) ou encore dans le service au sein de la vie d’église…
Nous avons chacun reçu des qualités, des dons différents, et sommes désireux de nous investir dans la société, dans notre entourage, d’être porteurs de l’héritage que nous avons reçu au travers de notre éducation, pour pouvoir le transmettre à notre tour à la génération suivante.
« Trop souvent les gens sont des thermomètres qui se contentent d’enregistrer les variations de température de la société, au lieu d’être des thermostats qui régulent cette température ! » (Martin Luther King) Soyons des thermostats !
Marine Halépian, 34 ans, maman de Eliott (8 ans) et Victorie (4 ans 1/2)